Réception: Contre Dieu de Patrick Senécal
Patrick Senécal, passé maître dans l’art de l’horreur, est certainement l’un des auteurs les plus lus au Québec. Ce qui est sombre l’attire, plus particulièrement ce qui se passe dans la tête de ceux qui commettent l’impardonnable. Grand adepte de défis, Sénécal n’hésite pas une seconde à sortir de sa zone de confort. Contre Dieu, le très bref ouvrage que je vous présente aujourd’hui en fait partie.
Contre Dieu met de l’avant la vie d’un homme complètement dévasté par la mort accidentelle
de sa femme et de ses deux enfants dans un accident d’auto. Lorsqu’il apprend
la triste nouvelle, son existence s’en voit totalement chamboulée. Sa vraie
nature, son côté inhumain ressort. Laissant sa famille et ses amis de côté,
dans un néant total, il quitte sa maison pour un appartement miteux. Sa vie
consiste maintenant à errer dans les bars et à boire. Celui-ci est en soif de
sexe après toutes ces années à se retenir, plus rien ne l’empêche de commettre
des actes violents et inexcusables à l’égard des gens qui l’entourent. Plus l’argent
manque, plus les menaces se multiplient, plus les déboires se compilent. Mais
contre qui cet homme en veut-il ? Qu’est-ce que cette rage de vivre qui n’en
finit plus ? D’où lui vient cette incroyable colère ? Depuis la perte de sa
famille, rien ne l’arrête. Jusqu’où se rendra-t-il ?
En cent pages, l’évolution de ce personnage, de cet homme, est
incroyable. Du bon père de famille exemplaire qui attend impatiemment le retour
de ses enfants, il devient un meurtrier de sang-froid. La narration au « tu »
est judicieusement choisie. Tout d’abord, ce « tu » se fait plus impersonnel,
on décrit les actions de l’homme point barre. Puis, plus l’histoire avance,
plus le jugement se fait sentir. De petits « je » se glissent dans le texte
sans toutefois que l’on ne comprenne clairement de qui il s’agit.
Autre prouesse de l’auteur, l’absence de point final. Oui, vous avez
bien compris : ce texte ne comporte aucun point, seulement des virgules.
On suit le monologue intérieur du narrateur au fur et à mesure que les «
pensées » gisent.
« ton regard plein de l’abîme que creuse chacun de tes pas, et tu
poursuis ta guerre contre moi »
La dernière phrase de ce texte est percutante, car on comprend
finalement qui est ce fameux « moi ». J’interprète l’absence de ponctuation
finale comme étant l’affirmation que l’histoire de cet homme n’est pas
terminée.
En résumé, j’ai adoré lire ma lecture de ce livre pour son incroyable
prouesse stylistique, mais également pour la psychologie du personnage
principal que l’on suit du début à la fin. Nous possédons tous un côté ombragé,
mais jusqu’où celui-ci peut-il nous mener ?
Merci beaucoup aux éditions du Numéro de série pour l'envoi de ce coup de coeur!
Contre Dieu
Patrick Senécal
Éditions du Numéro de Série (2016)
101 pages
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