Marguerite Yourcenar: Nouvelles orientales
On entend
régulièrement proclamer haut et fort que les lectures obligatoires sont
ennuyantes et extrêmement longues. Mais (même si certains étudiants
bornés n’osent pas l’avouer), il arrive régulièrement (dans mon cas, bien sûr)
que ces lectures dites « forcées » se révèlent à être de sincères coup de cœur,
des œuvres marquantes qui vous suivront toute votre vie.
Nouvelles
orientales de Marguerite Yourcenar a
eu cet effet sur moi : j’ai été renversé par son travail d’écriture/ de
style qui est on ne peut plus épatant et par la force des images qu’elle crée
dans ses œuvres. Entre le conte et la légende, ses textes nous plongent au
coeur de la culture des pays orientaux. Elle nous immerge complétement dans une
nouvelle époque et dans de nouveaux lieux. Je pourrais vous parler de chacune
des nouvelles de ce recueil (car, oui, je les ai toutes adorées), mais je ne le
ferai pas dans le but d’alléger votre lecture. Voici donc mes deux grands coups
de cœur :
Le sourire de
Marko
Cette nouvelle
est une de mes préférées pour la beauté du message qu’elle dégage. On y raconte
une partie la vie de Marko. Un jour, celui-ci est trahi une veuve qui,
jusque-là, lui faisait office de copine et est capturé par des Turcs. Sous les
conseils de la traitresse, Marko est torturé de toutes les façons possibles.
Bien qu’il semble être mort à la suite de ces mutilations, la veuve qui connait
sa résistance à la douleur, ne le croit pas. Elle insiste donc pour qu’on le
torture de plus belle, en vain. Une idée vient en tête de la femme cruelle et
hypocrite : prouver qu'il est bien vivant en utilisant le charme de
femmes. La veuve est persuadée que si les Turcs font danser de jeunes dames
autour de lui, il réagira assurément. Les Turcs s’exécutent. Au passage d’une
jolie demoiselle, Marko, pourtant invincible, ne peut réprimer un sourire...
La chute de ce
texte m’a laissé échapper un sourire à moi aussi. L’amour est plus fort
que la guerre, que tous les actes de terrorisme, que toute la haine en ce
monde. On réalise que seuls les biens matériels ont la possibilité d’être
détruits, pas le cœur ni les sentiments.
Comment Wang-Fô fut sauvé
Même si j’ai
fortement apprécié le récit de cette nouvelle, c’est plutôt son univers qui m’a
charmée. Wang-Fô est un peintre reconnu. Ling, son assistant. En duo, ils
vivent une vie de bohème: ils parcourent les villages en quête de paysages à
peindre, de pinceaux à dénicher et de pigments à acheter. Leur périple sera
malencontreusement écourté par l’ordonnance de l’Empereur. Celui-ci exige de
s'entretenir avec Wang-Fô. Il prétend, hors de tous doutes, que ce dernier
aurait compromis à sa vision du monde en créant de magnifiques tableaux qui lui
offrait une version magnifiée de la triste réalité.
À mon avis, la
culture orientale n’est pas assez présente dans la littérature populaire.
Pourtant, ces peuples ont énormément de bagage à nous offrir. Leur relation
avec les objets, les dieux et la vie en générale est bien différente de la
nôtre. Leurs arts et leurs traditions valent pourtant la peine que l’on s’y
attarde. Dans cette nouvelle, Yourcenar a su me faire voyager comme aucun
auteur ne l’avait fait auparavant. Comme un grand plongeon dans un monde
inconnu dans le confort de mon salon. Rien de mieux.
En résumé, cet
ouvrage incarne, pour moi, l’œuvre par excellence. Je suis ravie d’avoir enfin
fait la connaissance de cette fabuleuse écrivaine, première femme élue à
l’Académie française.
Nouvelles
orientales
Marguerite
Yourcenar
L’imaginaire
Gallimard (1963)
143 pages
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