Les femmes et la prison: Écorchées
Après la longue et bouleversante lecture qu’a été Le journal d’Anne
Frank, je me suis plongée dans un minuscule roman (question d’alléger le tout) :
Écorchées de Sylvie Frigon. Il s’agit
en fait d’une œuvre de fiction très fortement inspirée de situations et de
personnes réelles : des femmes du milieu carcéral québécois. Avec sa
formation de criminologue, l’auteur de ce roman sait de quoi elle parle, elle l’a
vécu.
Je me suis assise, j’ai ouvert ce roman. À peine une heure trente plus
tard, je le déposais sur le coin de mon lit. Je l’avais terminé et j’étais
bouleversée. Un roman qui se lit en coup de vent, mais qui fait plutôt l’effet
d’un coup de poing. On y raconte le récit de plusieurs femmes incarcérées. D’une
jeune junkie prénommée Juliette qui ne cesse de récidiver malgré le désespoir
de son jeune fils Maxime, de Johanne, une femme battue qui a tué son mari pour
sauver ses enfants, jusqu’à une jeune intervenante qui redoute les détenues
lors de ses premiers jours. On y dépeint leurs existences et leurs vies qui se
côtoient tous les jours sans jamais se croiser. On nous offre un plongeon
directement dans leurs têtes, dans leurs sentiments (parce que oui, elles en
ont !) et dans leurs déboires.
Ce qui frappe particulièrement, c’est de constater que certaines femmes sont
mieux entre quatre murs barricadés que lorsqu’elles sont dehors, dans le monde.
Elles reviennent volontairement chercher de l’aide, un toit, un endroit pour penser, pour manger. Est-ce une façon de vivre ?
Le récit est tellement vrai et les mots le sont aussi. Le tout est en bon québécois, comme on dirait. Les
mots sont francs, secs, courts et percutants. L’effet est bien là. Je ne crois
pas que l’auteur de ce texte recherchait à créer une œuvre de littérature, mais
plutôt à émettre un message. Un message transmissible à tous ceux et celles qui
le désirent, un message accessible. À ce niveau, c’est réussi haut la main !
Drôlement, l’ensemble et la forme du texte m’ont beaucoup rappelé l’émission
québécoise Unité 9. On y retrouvait le même genre de vocabulaire, le même genre
d’informations. J’ai trouvé intéressant de confirmer certaines réalités qu’exprimaient
les deux œuvres conjointement.
Parsemé de pensées et de poésie, Écorchées
nous redonne envie de croire en ces femmes, en leur force et en leur
persévérance. Une œuvre qui fait réfléchir. Un bien pour un mal, ou plutôt un
bien à propos d’un mal.
Comme quoi au Québec et au Canada, ‘’l’enfer carcéral’’ n’est
probablement pas le mot juste pour définir ce dont il est question. Il serait
plus exact d’utiliser le terme ‘’enfer cérébral’’…
Car c’est à l’intérieur que ces femmes souffrent et ce, sans jamais le montrer.
Prendre le temps de lire ce roman, c’est de prendre le temps de
comprendre un monde redouté, un monde isolé.
☆☆☆
Écorchées
Sylvie Frigon
Éditions du remue-ménage (2009)
91 pages
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